Rabah Rabhi naît en 1938, en Algérie alors colonie française, à Kenedsa dans une oasis du Sud du pays. Les Français y ouvrent une mine pour exploiter le charbon, les paysans deviennent des miniers. Son père, forgeron, musicien et poète, se retrouve au chômage et contraint lui aussi de rejoindre la mine pour nourrir sa famille. Cela marquera les pensées et réflexions du petit Rabah. Suite au décès de sa mère, son père le confie à l’âge de 5 ans à un couple de Français. Nouvelle culture, religion, mode de vie, il quitte son village pour Oran. A 16 ans, il se convertit au christianisme et adopte le prénom de Pierre, ce qui lui vaudra d’être renié par son père. En 1954, alors que la guerre d’Algérie éclate, Pierre est mis à la porte par ses parents adoptifs suite à un conflit. Il part pour la France, devient ouvrier spécialisé à l’usine en région parisienne et y rencontre Michèle sa future femme. Ils rêvent tous deux de s’extraire de cette vie urbaine; le retour à la terre s’impose comme une évidence.
En 1960, ils s’installent dans le Sud de l’Ardèche, où Pierre Rabhi devient ouvrier agricole durant 3 ans. Malheureusement, il constate avec dépit que la logique productiviste industrielle s’applique également à l’agriculture conventionnelle. La rentabilité prime, quitte à empoisonner les sols et polluer les nappes phréatiques, à nuire aux Hommes en détruisant petit à petit la terre qui les nourrit et en produisant des aliments contaminés par l’utilisation d’engrais et de pesticides. Il refuse d’être complice de ce système et recherche une solution en accord avec ses valeurs. Il décide alors de s’initier à l’agriculture biodynamique. Il en applique les principes avec succès sur sa terre rocailleuse ardéchoise. Le pari est gagné: il existe une alternative, une solution à la malnutrition et à la désertification des sols dans le monde ! Il donne naissance à l’« agroécologie », qui va delà de la sécurité alimentaire et des préoccupations environnementales, en intégrant également la dimension sociale.
Dès lors, il consacrera sa vie à la transition écologique : projets de développement et formation à l’agroécologie en France et à l’étranger (en particulier au Maghreb et en Afrique subsaharienne) ; animation du mouvement “Oasis en Tous Lieux” ; contribution à l’élaboration de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification à la demande de l’ONU ; fondation du Mouvement des Colibris qui tire son nom d’une légende amérindienne(*) et dont la devise est “Faire sa part” ; parution d’une vingtaine de livres, etc. Sa voix porte, il est reconnu comme l’une des figures emblématiques de l’agroécologie et de l’altermondialisme dans le monde. En accord avec les valeurs humanistes, Pierre Rabhi prône ce qu’il nomme “la sobriété heureuse” comme solution pour un avenir meilleur face à l’urgence écologique. Loin de la société de consommation qui crée des besoins superflus, il appelle à la responsabilité de chacun à agir pour préserver la Vie sur Terre en privilégiant une vie modeste sur le plan matériel, saine du point de vue alimentaire et enrichissante sur le plan humain.
Fresque : Dan23 // Texte : Laetitia LAEMMEL