La déforestation est repartie de plus belle en Amazonie ces dernières années. Entre août 2020 et juillet 2021, 8 712 km2 de forêt ont été détruits (source Greenpeace, données de l’institut brésilien de recherche spatiale). C’est l’équivalent de la Corse ! L’occasion de rappeler que la forêt est un des éléments essentiels à la qualité de l’air que nous respirons, et à la santé de notre planète.
La lutte pour sa protection contre la déforestation et l’exploitation des ressources ne date pas d’hier. Francisco Alves Mendes Filho, dit Chico Mendes, né à l’ouest du Brésil en pleine forêt amazonienne en 1944, est une figure emblématique et pionnière de cette lutte. Vivant une vie simple et frugale dans la forêt, Chico Mendes travaille dès l’âge de 9 ans comme seringueiro (récolteur du « lait », la sève des hévéas) pour l’industrie du caoutchouc naturel. Dans les années 1950-1960, l’industrie brésilienne du caoutchouc naturel s’effondre à cause de la concurrence asiatique et de l’arrivée du caoutchouc synthétique. Des petites parcelles de forêt sont vendues aux latifundistes (propriétaires terriens du sud du Brésil). Les délogements de familles de seringueiros qui y vivent commencent, afin de convertir les terres en champs et pâtures pour l’élevage. La déforestation s’intensifie ensuite fortement dans les années 1970. Les conflits entre seringueiros et latifundistes aussi, avec des expulsions de familles de seringueiros par la force.
C’est à cette période que Chico Mendes fonde le 1er syndicat de travailleurs ruraux. En 1976, il organise la 1ère action pacifiste de résistance avec un groupe de seringueiros, l’empate (ou « match nul »), qui consiste à occuper une partie de la forêt convoitée par les latifundistes pour en empêcher le défrichage par les bûcherons. En 13 ans, il y aura 45 empates qui ont sauvé environ 15 000 km2 de forêt amazonienne ! Des organisations internationales écologistes le soutiennent dans son action de protection de l’Amazonie. En 1985, il organise un évènement majeur à Brasilia, la capitale du pays : le Conseil national des seringueiros brésiliens, qui sera la 1ère réunion du syndicat des travailleurs ruraux. Ce conseil a pour objectif d’unir les peuples de l’Amazonie. Il aboutit à la proposition d’un nouveau mode de conservation de l’environnement par les « réserves extractivistes », qui protège la forêt de la surexploitation des ressources et les réserve aux peuples qui y habitent.
L’engagement de Chico Mendes est multiple : en protégeant la forêt, ses ressources et ses habitants, il défend les peuples contre la précarité et s’oppose au capitalisme mondialisé. Par son implication dans les discussions de projets brésiliens, il parviendra à bloquer des projets routiers qui menaçaient l’Amazonie. Plusieurs prix récompensent alors son engagement en faveur de l’environnement. Le film documentaire « Banking disaster » du britannique Adrian Cowell sorti en 1988, fera connaître Chico Mendes dans le monde entier.
Menacé de mort, il est assassiné le 22 décembre 1988 devant sa maison par deux propriétaires terriens, après qu’il ait empêché leurs bûcherons de défricher une parcelle. Sa mort a stimulé pendant quelques temps la solidarité mondiale et les initiatives en faveur du développement durable de l’Amazonie. Fin 2013, la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, lui donna le titre de « patron de l’environnement ». Le Brésil compte aujourd’hui 90 réserves extractivistes.
En France, l’engagement de Chico Mendes a inspiré la création de l’association Nord Nature Chico Mendès dans le Nord-Pas-de-Calais en 1995. Elle se fixe pour missions d’éduquer à l’environnement et favoriser la biodiversité, tout en mettant en avant des valeurs humaines comme le respect, la solidarité, et l’esprit d’investissement.
https://www.nn-chicomendes.org/
Sources : Socialter, Reporterre
Texte : Aurélie Babin